J’aime dans ce projet me laisser porter par les femmes que je photographie. Elles m’amènent assez souvent à rencontrer d’autres femmes aux parcours incroyables, et c’est cette fois Nicole Dubois dont j’avais créé le portrait qui m’a mise en relation avec Emmanuelle Forget, chirurgienne gynécologue.
Ce choix vous semblera peut-être inattendu. Il est en effet un peu différent des autres histoires que j’ai racontées jusqu’à présent. J’espère que la lecture de l’histoire d’Emmanuelle vous fera découvrir pourquoi sa participation à ce projet est pleine de sens. Sa casquette de médecin ne l’empêche en effet aucunement de rencontrer les mêmes questionnements entrepreneuriaux que d’autres corps de métiers.
Gynécologue et engagée
Pendant son internat, elle commence alors sa carrière loin de l’idée d’entreprendre en libéral auprès d’un service de gynécologie. Emmanuelle découvre alors l’aspect de plus en plus protocolaire de la gestion des naissances, mais aussi le monde de la chirurgie, à contrecœur au départ.
En chirurgie gynécologique, Emmanuelle soignera des femmes de cancers du sein, ou pratiquera entre autres des hystérectomies (ablation de l’utérus). Dans ce domaine, elle retrouve le côté humain qui l’a poussée vers la médecine.
Savoir s’écouter
En fin de clinicat à l’Hôtel-Dieu, elle cherche à rejoindre un service à Annecy, mais malgré son parcours sans anicroche sera recalée officieusement à cause du fait qu’elle est une femme. Elle rejoint alors le centre hospitalier de Bourg-En-Bresse, puis la clinique mutualiste E. André à Lyon, dans un service réputé, où elle exercera en tant qu’obstétricienne et que chirurgienne jusqu’en 1999. Emmanuelle apprécie le salariat qui lui permet de soigner sans se soucier de problématique d’argent avec ses patientes.
Se laisser porter par les opportunités
Au bout de quelques années, son employeur a fait évoluer le poste d’Emmanuelle, en lui imposant de faire uniquement de l’obstétrique (et d’arrêter la chirurgie) dans le service d’obstétrique où elle n’exerçait pas. Emmanuelle a décidé de quitter cette structure où elle ne se sentait plus écoutée ou soutenue.
Traçant son chemin, Emmanuelle a fait des remplacements durant une période, jusqu’à ce qu’un remplacement évolue en une opportunité de s’associer à deux gynécologues chirurgiens exerçant à la clinique privée de Sainte-Colombe.
Elle partage son temps entre les consultations en libéral, pour lesquelles elle choisit la cadence, son matériel, son organisation, et les opérations réalisées dans les locaux de la clinique.
Quand l’entrepreneuriat arrive de manière inattendue
De cette expérience, Emmanuelle découvre l’exercice de son métier en libéral : la flexibilité en même temps que les compromis à faire. Mais l’association qu’Emmanuelle pensait rejoindre n’a jamais vu le jour, car trop de frictions entre les deux gynécologues empêchaient les négociations d’avancer.
Emmanuelle propose malgré tout à la clinique de Sainte-Colombe de continuer à exercer seule en libéral.
Se mettre à son compte en tant que médecin représente les mêmes questionnements que dans d’autres professions : comment se construire une patientèle, gérer ses charges pour qu’elles n’étouffent pas l’entreprise, gérer sa comptabilité.
Pour toute la partie administrative, Emmanuelle a choisi de se faire accompagner pour bénéficier des compétences d’expert comptable, d’avocats, mais aussi d’autres praticiens qui partagent leur expérience de l’exercice en libéral.
Toujours rester à l’écoute
De plus en plus passionnée par la chirurgie, Emmanuelle a pris le parti de ne pas faire de suivi gynécologique ou d’obstétrique. Étant alors en relation avec des personnes ayant besoin de soins, elle a choisi de prendre le temps durant ses consultations d’offrir l’écoute dont ses patientes ont besoin. Les diagnostics qu’elle apporte à ses patientes sont en effet parfois très durs à accueillir, et son empathie la pousse à offrir le meilleur à ces personnes.
Pour apporter cette humanité à ses consultations, Emmanuelle n’a d’autre choix que d’augmenter ses honoraires, ce qu’elle rechignait à faire jusque-là. Sa volonté d’offrir le temps nécessaire à accueillir ses patientes, à répondre à leurs interrogations ou leurs inquiétude mais aussi la nécessité de vivre de son métier l’aura poussée à se conventionner avec des dépassements d’honoraires maîtrisés.
S’associer pour aller plus loin
En 2017, Emmanuelle accueille un nouveau gynécologue. Cela leur permet de partager leur patientèle afin de leur offrir plus de disponibilités, mais aussi de gérer leurs absences respectives sans impacter le suivi de leurs patientes. Ils peuvent également mutualiser certains investissements.
Aussi, lorsqu’Emmanuelle se casse le genou et doit s’arrêter pendant plusieurs mois, cela a sur elle l’effet d’un électrochoc. Elle revoit ses priorités de vie, son équilibre vie personnelle / vie professionnelle.
A son retour, elle mesure la chance de son association. En revenant après une longue absence, elle peut en effet reprendre son activité de manière assez rapide grâce au travail de son associé.
Après plusieurs mois, et la relation avec son collègue qui se fortifie, l’idée de s’associer fait progressivement son chemin. Dans les faits tout d’abord, et probablement dans les statuts prochainement. Pour concrétiser cette association, ils réfléchissent ensemble les implications de chacun, les modalités de l’exercice de leur pratique au sein du cabinet, et leur vision de l’avenir commun. Ce qui leur permettra de cadrer plus précisément les termes de leur association, et d’offrir un cadre à d’autres praticiens si l’occasion se présentait.
Partager son savoir
Se regrouper entre praticiens permet à Emmanuelle de se spécialiser encore plus sur la prise en charge des femmes atteintes de cancer du sein. Elle a également choisi de s’impliquer au sein de l’association Solidairement Vôtre qui accompagne des patientes atteintes de cancer du sein.